Prêt hypothécaire rechargeable : vers la relance de la consommation. (Sabrina Slimani Mars 2006)

Publié le par Sabrina Slimani

La prochaine finalisation du projet du gouvernement d’instaurer un prêt hypothécaire dit « rechargeable » fait déjà couler beaucoup d’encre.
La volonté du Gouvernement à travers une telle mesure est de redonner confiance aux consommateurs et relancer la consommation. Cette mesure vient dans la droite ligne des nombreuses mesures adoptées ces dernières années pour relancer l’activité économique et en premier lieu « redonner confiance aux consommateur » afin de relancer la consommation. Ainsi, on a pu relevé des lois ayant pour nom « Loi tendant à redonner confiance au consommateur » derrière lequel se cache la loi Chatel votée le 28 janvier 2005 qui a notamment redonné un cadre à la tacite reconduction de certains contrats.

Les mesures entourant ce projet sont prises dans le cadre de l’ordonnance, ce qui exclus tout débats devant le Parlement. Le projet a été élaboré avec le concours des professionnels de la banque, du notariat et de l’immobilier. Après signature par le Premier Ministre Dominique de Villepin, l’ordonnance concernant à la fois le prêt hypothécaire rechargeable et le prêt viager hypothécaire, devra être examinée par le Comité Consultatif de la législation et de la Réglementation financière puis par le Conseil d’Etat d’ici à la fin avril 2006.

Ce projet découle du principe de prêt anglo-saxon et vise à favoriser le recours aux crédits et stimuler la consommation sur le modèle de nos voisins qui a permis une relance de l’économie des Etats Unis et de la Grande Bretagne depuis 2001.

Le prêt hypothécaire rechargeable concerne les propriétaires de biens immobiliers qui pourront alors voir ouvert un prêt pour couvrir les dépenses de consommation.

Le fonctionnement de ce prêt est assez simple. Selon l’amendement à la loi sur « la confiance et la modernisation de l’économie » l’intérêt de ce prêt réside dans le fait qu’il permet « au constituant de conserver la détention de l'immeuble : le créancier pourrait, sans en perdre la possession, donner l'immeuble à bail soit à un tiers, soit au débiteur lui-même ». La décision d’accorder le crédit ne sera donc plus seulement subordonnée au montant des revenus mais elle sera aussi fonction de la valeur du bien inscrit à l’hypothèque.
Le prêt est dit rechargeable car au fur et à mesure que le souscripteur rembourse, ce dernier retrouve une capacité à emprunter dans la limite de la valeur du bien inscrit à l’hypothèque. Cette capacité d’emprunt n’est pas limitée quand à l’objet du prêt puisque celui-ci peut venir financer tout crédit à la consommation.

Sur ce point les professionnels de l’immobilier regrettent de voir que l’amendement prévoit que le prêt viendra garantir des crédits de toute nature. Les banquiers notamment mais aussi des associations de consommateurs comme le CLCV, auraient préféré que ce prêt soit réservé aux achats immobiliers, aux opérations de patrimoine ou encore aux très gros achats.  Mais, en adoptant ce projet le Gouvernement a eu  la volonté de permettre aux ménages de revenir sur la course à la consommation en permettant notamment à des personnes qui ne possèdent pas une situation stable (notamment les travailleurs précaires ne disposant pas de CDI comme garantie de solvabilité) de compenser cette irrégularité de revenue par la mise en garantie d’une valeur sûr : l’immobilier.

En dehors de toute considération fondée sur la fluctuation de la valeur de l’immobilier, il est naturel aujourd’hui de s’inquiéter pour l’avenir du ménage moyen français alors que depuis l’ouverture de la possibilité de la procédure de surendettement personnelle, on se rend compte de la situation catastrophique de grand nombres de ménages. Il est normal, en ces temps de revendication contre les projets du gouvernement d’adopter des mesures qui pourront augmenter le nombre de personnes dans des situations de précarité et notamment les jeunes (Quid du CPE ou encore du CNE) de s’interroger sur les dérives probables d’un tel projet.

Il est tout de même important de préciser qu’une nuance peut être apportée. Lors d’une interview pour le journal L’EXPRESS (publié le 27 décembre 2005) l’UFC- Que choisir, à travers Nicole Pérez a fait part de ses doutes quant à ce prêt : « il me semble que c’est un moyen artificiel qui ne générera pas la relance attendue ».
S’il est certain que le recours à outrance des crédits à la consommation de type crédit revolving est une des causes de surendettement des ménages, il faut avouer qu’il n’est pas dans la culture française d’avoir recours à l’hypothèque. En effet en France, le principe de droit à la propriété issue de la Révolution, est très fortement ancré dans les ménages et ce principe n’a pas la même valeur chez les anglo-saxon. Lorsque les ménages accèdent à la propriété c’est dans l’idée de capitaliser dans une valeur sure mais c’est aussi le moyen de se sécuriser. Les français achètent pour détenir, c’est le seul élément de sécurité, de stabilité, dans une situation de précarité. On peut supposer que les français, attachés à cette notion de propriété, ne pourront se résoudre à mettre en garantie leur bien que dans les cas extrême, ce qui n’est pas le but de ce prêt. C’est pourquoi, il n’est pas certain que le prêt hypothécaire sera une solution aussi usitée par les français qu’elle l’est chez nos voisins anglais ou chez nos cousins américains.

Pour autant si ce prêt ne risque pas de précipiter une majorité de la population française chez nos notaires, il peut être critiquable de voir utilisée la résidence principale comme garantie pour financer l’obtention de biens de consommation courante. Il serait préférable de venir plus encadrer ce genre de prêt pour éviter de voir des situations absurdes enterrer les ménages en difficultés dans la misère. Il serait dangereux de voir ordonner la levée de l’hypothèque pour la seule raison que le ménage ne peut plus assurer le remboursement des crédits notamment ceux à la consommation. Car il faut tout de même rappeler qu’ici le risque porte sur la résidence, le logement familial. Pour cela il faut que le souscripteur soit pleinement conscient de la portée de son engagement à un tel prêt.
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Bonsoir,Je viens de decouvrir le blog via l'interview.Ca minteresse beaucoup, et j'offre mes encouragements !Serait-il possible d'avoir un module Syndication pour s'abonner aux flux RSS.... ? car les newsletter ont tendance à surcharger les boites de courrier electronique. Une par ci une par là... !A bientot
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